Nous reviendrons au Pérou !
Le policier péruvien regarde longuement son écran , fait mine de prendre quelques notes et nous redonne nos documents :
" Non , la durée de votre séjour est correcte !" Le tampon en main , il valide nos passeports ...
Nos visas de trois mois étaient pourtant dépassés de dix jours , nous aurions du payer une amende de 20 dollars . Comme un clin d'œil pour conclure cet ébouriffant séjour de 187 jours , le dernier péruvien que nous croisons nous offre un ultime cadeau . Un temps fort de plus de cette route sud-américaine .
Après l'Argentine , le Paraguay , le Brésil , l'Uruguay , le Chili , la Bolivie voici maintenant le Pérou que nous quittons à contre-cœur . C'était un pur bonheur de se lever le matin depuis 6 mois en sachant que nous allions passer une merveilleuse journée en admirant des paysages hallucinants d'immensité et des scènes paysannes d'un autre siècle . Recevoir mille sourires et une multitude de buenas dias ! buenas tardes ! Auxquels nous répondons , naturellement .
Mais qu'avons nous fait pour mériter autant ?
Les gens ici sont pauvres , très pauvres et la vie est dure . Les maisons en adobe n'ont qu'une pièce et accueillent la famille . Ces masures semblent sorties de " Jacquou le croquant " de mon enfance . Les toits en chaume ne couvrent pas uniquement les dépendances disposées en carré afin de fermer l'espace . La vie s'organise avec les animaux depuis toujours . Les campagnes sont pleines de gosses . La natalité est toujours très forte en zone rurale . Les cultures de quinoa et de patates dessinent de jolis patchworks à proximité des hameaux et villages . La désertification rurale n'a pas siphonné les campagnes comme chez nous . Ces équilibres respectés , la vie sociale , culturelle et économique modèlent et rythment en douceur la relation à l'autre , à la nature . Ces observations nous semblent intéressantes dans cette course à la pensée unique et à la mondialisation qui ne semble guère proposer de bonheur ni d'avenir pérenne à notre humanité . Alors nous prenons le temps de voyager lentement et de discuter avec les gens . Ce monde est beau , divers et imprévisible . Nous nous posons souvent pour le regarder et l'aimer . La beauté est là , tous les jours . Il suffit d'ouvrir les yeux .
Mais tous ces instants , ces moments d'être, nous ne voulons pas les prendre en photos . Cela nous semblerait une incongruité de rompre cette poésie . Vanité que de s'approprier ces images , ces instants . Ramener tout cela à un sujet photo nous semble vulgaire . Le monde n'est pas un zoo humain . Tant pis pour les photos . Ou tant mieux . Le seul souvenir de cette merveilleuse mosaïque humaine éclaire nos prochaines routes .
Et notre route péruvienne fut toujours exigeante . Il n'y a pas de répit ici . Jamais . L'altitude , le froid , la pluie , les dénivelés les plus dingues furent nos compagnons de route . Nous passerons 11 cols à plus de 4000 m , 1 à plus de 4500 m et un dernier à 4715 m, le long de nos 3580 km péruviens . Passer de la vue d'avion au voyage au centre de la terre en descendant des cols de plus de cent km a été une découverte ! Et monter des dénivelés de 2800 m en continue permet de belles heures d'écoute avec nos appareils audio .
En choisissant de passer uniquement par la montagne nous nous sommes offerts des rencontres , des échanges . Un monde de respect , d'amitié et de solidarité . La solidarité est là . Toujours les paysans nous ont offert un toit , cherché et trouvé une réponse à nos demandes . Là-bas le monde n'est pas une compétition fait de mépris et d'égoïsme .
Ces derniers temps les gens nous demandaient naïvement : quand reviendrez-vous au Pérou ?
Nous reviendrons au Pérou !